Terre d'accueil du nord au sud
De la Famenne à la Lorraine belge, en passant par l'Ardenne, la province de Luxembourg offre un éventail de paysages déterminant le caractère de ses habitants et de ses habitats qui ne laisse pas d'étonner. Voyages en terres authentiques et avenantes.
Au sud est la Lorraine
Celui qui vient de France ne s’aperçoit d’abord de rien ou presque : les toits d’ardoises ont remplacé la tuile mais, dans les villages, les maisons continuent à se blottir les unes contre les autres, profitant d’un large usoir qui les sépare de la rue et d’un grand jardin suivi parfois d’un verger qui occupent l’arrière des bâtisses.
En pays d’Arlon, la gamme chromatique est dans les tons de gris et de bleu passé, les façades traditionnelles offrent la même harmonie qu’en Gaume. Au détour d’une rue ou d’un chemin de champs, un calvaire ou une simple croix taillés dans le grès de la région. Une manière naïve de représenter la ferveur religieuse aux 17ème et 18ème siècles. En Gaume, l’ocre et le beige bajocien dominent et s’échauffent aux premiers rayons du soleil. Quelques villages ont conservé la tuile : Torgny, Rouvroy, Ruette portent des chapeaux rouges. Mais à mesure que l’on monte vers l’Ardenne, l’ardoise (et ses succédanés) est de rigueur.
Paysages ouverts, relief des trois cuestas et douceur des trois rivières qui caressent leur pied : le Ton, la Vire et la Semois se succèdent du sud au nord. Entre elles, des forêts : Merlanvaux, Nichansart, Lamouline, Chameleux, des noms qui chantent et révèlent des occupations anciennes. Justement, Virton, Arlon, Robelmont, Habay, Chameleux ont connu une importante vie antique : commerçants, riches propriétaires fonciers ont élu domicile en ces terres. Les fouilles le disent.
Et le Gaumais ? On le dit volontiers blagueur, un peu fier mais surtout bon vivant. Ici, tout est prétexte à bon mot, guidé par un bon sens ancestral : « Quand d’je n’sais ren, d’je m’tâs », ce que l’on traduit facilement par « Quand je ne sais rien, je me tais ».
Au centre, l’Ardenne
L’Ardenne c’est un vaste plateau ondulé à plus de 400 mètres d’altitude. Des surfaces et des paysages immenses souvent boisés mais entaillés par les profondes vallées de l’Ourthe notamment. Pour le visiteur, les hauteurs offrent une large ouverture et un vaste espace. Mais l’impression qui reste, c’est le côté enchanteur d’un pays tapissé de forêts et entaillé de vallées un peu secrètes. Victor Hugo d’ailleurs, de passage en Ardenne en 1862, ne disait rien d’autre lorsqu’il écrivait à sa femme Adèle restée à Guernesey : "Tout ce que nous voyons est superbe, les Ardennes sont un enchantement". Paul Verlaine originaire par son père du Luxembourg belge écrira lui un peu plus tard à propos de cette terre : "Au pays de mon père on voit des bois sans nombre. Là des loups font parfois luire leurs yeux dans l'ombre. Et la myrtille est noire au pied du chêne vert."
De villages en hameaux, l’Ardenne est peuplée de gens, fidèles, entêtés, fiers. Des chevaux aussi, massifs, lents, qui n’ont pas leur pareil pour vous sortir une grume d’une pessière quand les engins dévoreurs de mazout ne peuvent rien. Et tout cela au seul son de la voix du maître qui dit ce qu’il faut pour que l’ouvrage s’accomplisse.
De la vie. Dans les villes. Au bourg monastique de Saint-Hubert où on accueille le pèlerin depuis des siècles ou à La Roche-en-Ardenne portant le projet de station touristique dès le milieu du 19ème siècle grâce à l’arrivée des premiers tramways. A Bastogne, Houffalize, Vielsalm ou La Roche encore qui ont pourtant payé cher les derniers sursauts de la Wehrmacht en décembre 1944. Ce n’est pas l’enfant Jésus que l’on trouvait dans les étables et les granges de l’Ardenne. Non, des gens apeurés, terrorisés par la violence des combats et la rigueur de cet hiver-là. Des traces aussi, partout. Ici un char pieusement conservé, là un monument. Et des musées fameux.
Et des villages. Certes éloignés les uns des autres mais présents, avec envolées de tilleuls et de marronniers. Haies aussi qui séparent les parcelles et abritent des passeraux. Des villages aux noms qui chantent : Ortho, Laneuville-aux-Bois, Bérisménil, Smuid, Porcheresse, Salmchâteau… Mais aussi Ollomont et son presbytère.
Au pied de Sainte-Marguerite, la chapelle a été amputée de sa nef mais elle est si bellement entourée de gisants de schiste et de pierre d’Ottré. De lourdes chaussures cloutées sèchent sur le seuil. Edmond Dauchot vient de rentrer de l’une de ces longues courses photographiques dont lui seul a le secret. Vous rêvez, oui, vous rêvez. C’était il y a plus de cinquante ans. Pourtant la E25 n’est pas loin, qui irrigue comme sa jumelle la E411, cette Ardenne qui fascine. Mais le vrombissement des camions et des voitures est vite étouffé par les hauts épicéas et les vallées discrètes du pays.
Au nord, la Famenne
C’est une toute petite bande géologique au nord-ouest du Luxembourg belge. Et pourtant, elle abrite des merveilles. Marche n’est pas la moindre. Promenez-vous dans la vieille ville. L’architecture est belle, les gens accueillants et les tables réputées. Le Musée de la Famenne ouvre des perspectives historiques et archéologiques rares. Ainsi l’énigmatique « Maitre de Waha », sculpteur surdoué du XVIème siècle qui a laissé des œuvres absolument uniques dans plusieurs églises de la région.
Eglises, justement : vous ne pouvez en aucun cas passer devant celle de Waha sans vous arrêter. Déjà pour les marronniers qui en abritent l’entrée. Puis pour le beau vaisseau roman qui trône là, sur ce promontoire. Pensez, le sanctuaire date du 11ème siècle ! Dans leur grande sobriété, les vitraux dessinés par Jean-Michel Folon, qui s’inspirent de faits religieux, jettent des lumières et des couleurs de toute beauté sur l’enduit blanc des murs de l’église.
Marche-en-Famenne
Hotton
Jemeppe
Waha
Aye
Marche-en-Famenne
Hotton
Marche-en-Famenne
Marche-en-Famenne
Waha
Hotton est surtout connue pour ses grottes fameuses formées par les eaux de pluies infiltrées sur le plateau calcaire et qui se réunissent en une seule rivière souterraine permanente qui réapparaît à l'air libre dans le cours de l'Ourthe peu après Hampteau. C’est cette rivière qui a creusé ce merveilleux dédale de salles aux draperies fines. L’endroit est tellement précieux qu’il est classé au patrimoine majeur de Wallonie.
Partout, tel un « archipel fluvial », des rivières "enchanteresses"
Semois, Lesse, Ourthe, Lienne, Aisne… Chantées par les poètes, adulées des peintres, ces cinq-là résument, à elles seules, une douceur et une tendresse pour les paysages qu’elles traversent et magnifient. Mais attention, elles peuvent aussi devenir mégères quand les fontes de neige les engrossent au sortir de l’hiver !
La Semois fait le lien entre Lorraine et Ardenne, les quatre autres sont filles d’Ardenne. Adrien de Prémorel l’a écrit de la Lesse, comme il a chanté les bêtes sauvages de l’ancienne Arduina sylva. D’autres après lui, célébreront l’Ardenne. On pense à Marcel Leroy, à Arsène Soreil, à Edmond Dauchot, à Pierre Nothomb, à Jean-Luc Duvivier ou Julien Gracq.
"Comme j'ai vu les méandres de l'Ourthe, autrefois, faire passer et repasser leur ruban à travers la sylve hercynienne sans laisser nulle part place ni à un sentier, ni à un couloir de prairie, on a plus d'une fois, au long de tel bief entièrement inhabité de la Semois, l'impression que c'est encore le revêtement forestier primitif et sans couture qui enserre partout sa coulée étroite, et qui fait défermer sa verdure chevelue jusque par-dessus les berges, qu'elle cache entièrement de sa retombée (..). Point de trace d'humanisation au long de cette coupure secrète où ne descend aucun chemin, et où on se sent presque troublé de déranger, fût-ce par le seul regard, un enlacement aussi étroit, aussi intime de l'eau et de la forêt." Julien Gracq, Carnets du grand chemin