La Semois

cette DOUCE RIVIèRE ET VALLéE à DéVALER

La Semois, la plus femme de nos rivières

C’est Alphonse de Prémorel, grand-père d’Adrien, qui parlait de la Semois en ces termes. Il occupait alors l’ancien prieuré cistercien de Conques près d’Herbeumont.

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La plus femme de nos rivières…  Autant elle est sage et douce tant qu’elle est en terre lorraine, autant elle se révèle sauvage et rebelle quand elle caresse l’Ardenne. Chassepierre, Herbeumont, Florenville, Poupehan, Dohan, Cordemoy, Bouillon, Vresse, Rochehaut,  Frahan,  autant de perles précieuses enfilées sur le fil de la belle. Et puis voici la France : Haybes, Fumay, Monthermé. Pays de légendes fabuleuses, la vallée de la Semois nous emmène sur les traces des quatre fils Aymon et du fier Bayard fuyant le courroux de Charlemagne. Voyez-les qui scrutent l’horizon depuis les hauteurs de Bogny-sur-Meuse !

D’Arlon à Monthermé, la vallée de la Semois enchante, surprend, bouleverse. Escarpements rocheux, prairies alanguies, villettes et villages attachants, c’est, au détour d’une route de campagne ou d’un chemin forestier, à chaque fois une nouvelle découverte, un nouvel enchantement.

Châteaux fameux que ceux d’Herbeumont, de Bouillon ou de Sedan, forteresses qui racontent l’Histoire de cette région d’entre-deux, traversées en tous temps et en tous sens par les armées des puissants de ce monde… Ponts majestueux ou passerelles plus modestes jetés entre deux rives conduisent toujours en des lieux parfois  insoupçonnés. Villes accueillantes qui ont su garder jalousement leur patrimoine. Les noms s’égrènent de Lorraine à Ardenne. 

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Mais la Semois, ce sont aussi des terroirs, divers et si propices à la bonne chère: l’automne venu et avec lui, la chasse, de nombreuses tables de la vallée vous proposent des plats à faire pâlir d’envie le plus blasé des palais. Vous aimez le poisson ? Dégustez donc un brochet au beurre blanc, une anguille ou encore une simple truite préparée à l’ancienne.

Que dire alors de nos éleveurs de bovins et des charcutiers de toute la vallée : jambons, boudins, saucissons, terrines, il y a de quoi faire, croyez-nous ! Et quoi de mieux que d’accompagner cela d’une bière artisanale : depuis de nombreuses années, le Luxembourg belge porte haut les couleurs et les saveurs de ses brasseurs !

Alors, prenez un chemin buissonnier un matin de septembre. Il y a fort à parier que vous allez faire de belles rencontres du côté de Grand-Hez : cerfs, biches, chevreuils hantent la belle futaie qui s’étend là sur des centaines d’hectares.

Vous préférez l’été ? Des kilomètres et des kilomètres de chemins balisés vous emmèneront de roches fameuses en passerelles jetées au-dessus de l’eau qui paresse au soleil. Vous voulez connaître les petites histoires de cette vallée enchantée? Venez, c’est par ici !

De sa source en pays d’Arlon …

Qui pourrait imaginer que le petit filet d’eau qui s’écoule dans les deux bassins de la rue Sonetty à Arlon va donner, au fil d’un parcours de près de 200 km, la belle rivière ardennaise qui rejoindra sa grande sœur Meuse à Monthermé ?

Mais, entretemps, elle aura reçu les eaux de la Rulles, de la Vierre et d’un nombre invraisemblable de ruisseaux aux noms évocateurs : gouttelle des Naux, ruisseau des Aleines, ruisseau de la Foulerie, fontaine Maîtrejean …  De petit ruisseau, elle va grossir pour devenir cette dame imposante qui se mêle aux eaux abondantes de la Meuse.

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… à la Gaume …

Premier site remarquable parce que chargé d’histoire(s) et riche d’un point de vue naturel : les marais de Vance.

Jadis prairies de fauche (le sol est beaucoup trop humide pour y faire paître des animaux), les gens de Chantemelle, Vance, Fouches, tiraient de ces terres une bonne alimentation pour leur maigre bétail. Savez-vous que l’on y a extrait aussi de la tourbe qui, bien séchée, donnait un combustible pour se chauffer durant les longues soirées d’hiver.

Les cinquante hectares de la réserve naturelle sont gérés par Natagora sous l’œil savant et vigilant de Julien Noël, son conservateur, 80 ans et toujours bon pied, bon œil. Une découverte des lieux en sa compagnie est un véritable régal. De temps à autre, vous y rencontrerez peut-être des tondeuses à  4 pattes très efficaces : les vaches highland.

… en passant par la cuesta sinémurienne

A mesure que notre belle s’achemine vers l’ouest, caracolant entre prairies et villages, elle aura creusé son lit au pied de la cuesta sinémurienne. Voyez la petite église romane de Jamoigne qui trône fièrement sur le rebord au-dessus de l’eau. Eh oui, les cuestas (côtes) sont typiques à la Lorraine (aussi bien belge que française).

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Orientées elles aussi est-ouest, elles résultent de l’érosion des couches les plus tendres, les bancs de roches plus dures étant restés en place. Trois côtes se succèdent en Lorraine belge : la bajocienne est la plus au sud, c’est elle qui porte la frontière française. Après avoir fait une première incursion en Ardenne en passant aux pieds de l’ancienne cité comtale de Chiny, la Semois se retrouve à nouveau en Lorraine belge. Elle aura frôlé le rocher du Hat, la Roche fendue, la roche Lenel, le rocher Pinco, autant de noms qui évoquent des escarpements, des hauteurs solitaires.

Le deuxième week-end de juillet, ne ratez sous aucun prétexte le Festival du Conte. Durant quatre jours, la parole est reine, le conte est omniprésent et l’ambiance bon-enfant. Et si vous aimez flâner au milieu des fleurs, des arbres et des légumes, ne manquez pas de faire le tour des jardins qui s’ouvrent lors du week-end « Chiny au jardin » en juin.

Interpréter le paysage à Florenville

Vous voulez tout (ou presque) savoir de ces paysages si caractéristiques entre Ardenne et Gaume ?  Une visite s’impose à Paysalia. Installée dans les locaux du Syndicat d'initiative de Florenville, ce centre d'interprétation du Paysage domine le magnifique point de vue sur la vallée qui monte lentement vers la lisière de la forêt d’Ardenne. A ne manquer pour rien au monde.

On ne peut pas passer sous silence le merveilleux village de Chassepierre, blotti au pied de la côte et tant aimé des peintres et des photographes. Savez-vous que Chassepierre accueille chaque année le plus ancien Festival des Arts de la Rue encore organisé en Europe ? Saltimbanques, théâtre de rue, acrobates, jongleurs viennent des quatre coins de la planète. C’est un enchantement à l’état pur. Du rêve à ne quoi savoir en faire si ce n’est le partager avec vos amis.

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L’Ardenne…

Conques, Herbeumont, Mortehan, Cugnon seront les prochaines étapes. A Conques, l’abbaye d’Orval possèdera ici une grange et près de 300 ha de terres travaillées par les frères convers avant que les lieux ne deviennent un endroit de retraite et d’étude pour les moines jusqu’à la Révolution française qui mettra fin à l’abbaye cistercienne du Val d’Or.

Herbeumont est déjà ardennaise. Ses maisons se blottissent au pied de l’éperon rocheux qui domine la Semois de plus de 100 mètres. C’est là que, dès le XIIIe siècle, une forteresse se construit pour surveiller et défendre cet endroit stratégique du croisement de deux routes importantes. Jusqu’au XVIIème siècle, il sera remanié, perfectionné, modernisé jusqu’à ce que les troupes de Louis XIV ne le saccagent en 1659.

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Mortehan compte sans doute parmi les villages de la vallée celui qui possède le plus grand nombre de monuments classés par la Wallonie. Maisons trapues, si caractéristiques de la basse-Semois, l’église et surtout l’émouvant petit cimetière bercé par la Semois. Croix de  guingois, mur en pierres de schiste sèches, l’endroit respire la paix et la sérénité.

Autour du village de Les Hayons et des brumes de la rivière, de nombreuses légendes racontent les aventures des fées et autres sorcières de la Semois.  Du Mont de Zatrou, partez à la découverte du « Saut Des Sorcières » ou admirez  le lieu-dit légendaire "Le Hultai", où se tenait le "Sabbat des fées". A proximité de là, poussez les portes de la Ferme des Fées. Deux artistes, Marie-Laure et Michel vous feront découvrir un monde de fées, dryades et elfes mais aussi l'ambiance de l'Ardenne du XIXème siècle. Les habitants de la région y sont représentés dans leurs occupations quotidiennes par de petites figurines à l'échelle ¼.

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… de schiste …

Savez-vous que toute la vallée du ruisseau d’Aise, qui rejoint la Semois à hauteur de Cugnon, a été durant des dizaines d’années le centre d’une intense activité ? On a extrait ici des milliers de tonnes d’ardoises destinées à couvrir les toits des plus riches d’abord avant que le matériau ne se démocratise ? Même les moines d’Orval avaient leur propre ardoisière ici !

Marcel Leroy, un enfant du pays – il était né à Herbeumont – raconte cette histoire et celle de son enfance dans un livre émouvant, malheureusement un peu oublié : Les chatons gelés.  Les vestiges de cette industrie extractive ne manquent pas mais vous aimerez  surtout la petite chapelle dédiée à Sainte-Barbe, la patronne des mineurs et des carriers, le long de la route qui conduit de Cugnon à Bertrix.

Au-delà de Dohan et du château dominant la rivière, votre route vous mènera à Bouillon, centre de villégiature de premier ordre. Cette petite ville, chargée d’histoires, est jalousement veillée par l’imposant château posé en équilibre sur son arête rocheuse. Ouvrage plus impressionnant encore que celui d’Herbeumont par son étendue et son état de conservation. C’est de là que partit Godefroid de Bouillon en 1096 pour aller combattre l’impie en Terre sainte.

Plusieurs fois remanié au cours des siècles, Vauban apportera à la vieille forteresse médiévale les derniers perfectionnements en vigueur au XVIIe siècle, notamment par l’établissement de portes que l’on peut encore voir aujourd’hui. Bouillon sera occupé militairement jusqu’en 1830 avant de sombrer quelque peu dans l’oubli. Aux pieds de la forteresse, l’Archéoscope est un must comme le parc qui a été aménagé sur les bords de la Semois. A Bouillon, tout est à portée de main et de bouche pour se faire plaisir : terrasses accueillantes, restaurants de renom, charcuterie ardennaises, glaces succulentes, …

De Bouillon, direction la basse-Semois. Après être passé sous le tunnel (comme l’appellent les Bouillonnais) qui permettait aussi au tram de poursuivre sa voie vers Pussemange et la France, la route caracole à travers les escarpements de la vallée pour nous mener d’abord à Corbion.

Un peu d’histoire ? En 1855 Joseph Pierret, instituteur à Alle, se lance dans une expérience que les villageois, en bons Ardennais qu’ils sont, observent du coin de l’œil (incrédule) : l’homme plante un are de tabac dans un champ le long de la rivière. Or, Dieu sait si les gelées et les brouillards sont fréquents dans la vallée. Mais on ne dit rien : on observe. Et quand vient l’heure de la récolte, elle se révèle abondante et de belle qualité. Voilà sans doute un beau débouché pour les cultivateurs de la vallée : pas trop exigeant en fumure, le tabac demande quand même un certain nombre d’opérations depuis la germination des graines jusqu’à la récolte. Que dire  du séchage et de tous les stades de fabrication ? Pourtant, les choses vont s’accélérer.

Pendant pratiquement 25 ans, le tabac produit dans la vallée sera exclusivement étiqueté Pierret. Ce qui n’était que scepticisme fait lentement place à de l’intérêt. Et pour cause : certaines cultures traditionnelles de la région n’ont plus de raisons d’être : le colza a pratiquement disparu, détrôné par le pétrole lampant, le chanvre a suivi en même temps que les tisserands. Le tabac va connaître un véritable boom : en 1895, 85 ha sont recensés et peu de temps avant la Première Guerre mondiale, on est passé à … 400 ha!

Aujourd’hui, ils ne sont plus que quelques planteurs-fabricants à maintenir la production de tabac et de cigares d’origine Semois. Poussez donc la porte de l’une de leurs boutiques, ne serait-ce que pour la curiosité et les odeurs qui flottent dans ces cavernes d’Ali Baba pour fumeurs de pipe. La visite du Musée du Tabac et de sa boutique à Corbion chez Gaetane et Vincent Manil vaut le détour ! Poussez les portes de cet atelier pour comprendre la fabrication artisanale du tabac mais aussi du cigare et des bouchons de la Semois…

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Pas encore rassasiés de paysages grandioses ? Poussez donc jusqu’à Botassart. On raconte qu’un géant est enterré sous l’énorme tertre boisé qu’enserre le grand méandre de la Semois. C’est tout naturellement donc que les gens d’ici l’ont appelé le Tombeau du Géant. Et ce n’est pas pour rien que la Wallonie a classé ce site au titre de patrimoine exceptionnel, tant l’endroit est majestueux.

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Frahan émergeant des brumes matinales d’un automne naissant, c’est un spectacle éblouissant, comme si le village s’ébrouait sous les rayons d’un soleil déjà timide. Arrêtez-vous sur la hauteur qui conduit à Rochehaut : vous serez envoûtés. Ici aussi, on a cultivé le tabac : témoin cette publicité un peu vieillotte pour les tabacs Avril-Loiseau. Avouez que cela ne s’invente pas !

Rochehaut, la bien nommée qui veille ainsi sur Frahan comme une cane sur ses canetons. Etape incontournable pour les amoureux du patrimoine, le village offre quelques beaux bâtiments dont le moindre n’est pas la belle église Saint Firmin. Bel édifice typiquement ardennais, la tour massive précède une nef simple mais de belles proportions. Construite fin du XVIIème siècle et toujours entourée de son enclos, elle remplace une chapelle attestée au XXIIème siècle dont on a conservé les fonts baptismaux romans émouvants de simplicité. A l’intérieur, on sera étonné par la richesse du mobilier baroque et le plafond décoré dans les années 1960. On aime ou on n’aime pas mais on ne peut rester indifférent. Elle est classée tout comme la petite maison qu’occupait Marie Howet dans il a été question plus haut.

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Voici Vresse, et le prestigieux repaire d’artistes qu’était et qu’est toujours La Glycine. L’histoire se souvient des présentations de Georges Bouillon des expositions qu’organisait José Chaidron : Marie Howet, Albert Raty, Camille Barthélemy, Jacques Van Der Elst, Bonaventure Fieullien …

Mais il est temps de traverser la frontière. Savez-vous que le joli village d'Hargnies compte pas moins de quatre charcutiers - bouchers pour seulement 500 habitants ? Savez-vous aussi qu’autrefois, toute la vallée résonnait du bruit des marteaux sur les enclumes  dans les boutiques des cloutiers, vers le même Hargnies, Gespunsart, Nohan, Hautes Rivières, Fumay ?

Ici, la petite métallurgie a connu de très beaux jours. Et on extrayait aussi l’ardoise à Fumay et dans la région. La forêt y est omni présente. Les points de vue sont à couper le souffle comme celui des Quatre Fils Aymon à Bogny-sur-Meuse ou celui de Liry à Thilay…